• Centifolia



    Fin mai, c'est encore la saison de la récolte des roses centifolia autour de Grasse.

    On en tire de l'absolue plutôt que de l'huile essentielle, dont le rendement est trop faible (il faut 5tonnes de centifolia pour obtenir un kilo d'huile essentielle, alors que pour un kilo de concrète, -dont on tirera un demi litre d'absolue-, 400kg de fleurs suffisent); j'ai appris que pour fabriquer de l'hydrolat de roses centifolia, les producteurs préféraient distiller les variétés doubles; pour l'absolue, le choix se porte sur les simples (qui ne comptent qu'une cinquantaine de pétales, malgré leur nom… ).

    http://mamidoo.free.fr/html/gifs/nature/fleurs/rose/boutonan5.gifL'absolue est surtout utilisée dans la composition des parfums.




    Plantées en longues rangées, les centifolia sont d'un rose très rose, qui pâlit quand les dernières fleurs s'épanouissent sur les pieds.

    Le pistil très jaune se dévoile lorsque s'ouvre le cœur d'abord resserré en forme de bouton.


    C'est une variété mellifère, que l'on va récolter pendant 20 à 25 ans; les arbustes taillés pour avoir une croissance de 7 à 8cm par an ne sont pas des remontants (ils n'ont qu'une seule floraison par an).

    http://mamidoo.free.fr/html/gifs/nature/fleurs/rose/boutonan5.gifLes cueilleuses (il y a surtout des femmes) ramassent 6kg à l'heure en moyenne (on compte 400 roses environ par kilo… ); elles saisissent les fleurs d'un mouvement tournant pour détacher la tête; j'ai été surprise de découvrir qu'on n'effeuillait pas les pétales avant la transformation…
    -"et puis quoi encore", m'a dit l'un des propriétaires de ces champs fleuris.


    (J'ai photographié… une photo du Musée international de la parfumerie montrant l'enfleurage)

    Grasse a longtemps pratiqué l'enfleurage (étalage des pétales sur de la graisse animale, avec renouvellement des couches de fleurs pour obtenir une imprégnation soutenue) pour produire des gras parfumés qui servaient à adoucir les peausseries fabriquées dans la région depuis le XVII° siècle. Quand l'extraction des matières premières odorantes s'est modernisée, il y a eu un essor de l'exploitation des plantes à parfum, alors très diversifiées (mimosa qui existe toujours, basilic, réséda, jasmin, rose centifolia), dans la région. Le choix s'est peu à peu restreint sous la forte pression immobilière des années soixante dix et la concurrence de pays tropicaux à la main d 'œuvre bon marché.

    http://mamidoo.free.fr/html/gifs/nature/fleurs/rose/boutonan5.gifDepuis quand les roses centifolia sont elles cultivées à Grasse? Je n'ai pas obtenu de réponse précise; probablement fin XIX°-début XX°siècle; les centifolia (une espèce hybride) auraient fait leur apparition en Hollande au XVII° siècle. On trouve aussi 1650 comme date d'arrivée des roses dans la région grassoise, sans précision de la variété.


    Une fois cueillies et mises en sacs de jute, elles sont immédiatement  transformées pour éviter les fermentations.


    On  verse les têtes fleuries par couches de 50kg sur de grands disques, emboités dans de grosses cuves d'acier (d'une capacité de 5 disques) que l'on recouvre de 2000l de solvant (l'hexane, toxique, inflammable, très volatil mais très efficace pour extraire pigments, molécules odorantes, etc ). L'hexane recyclé va repasser trois fois sur les fleurs avant d'être éliminé (l'élimination finale se faisant sous basse pression pour éviter de trop chauffer, l'hexane bout alors à 30°)

    Les gros "gâteaux de roses" passées à l'hexane


    4000kg de roses dans cette boite…


    Le liquide obtenu fige en refroidissant. C'est la concrète, composée de cire et d'absolue. Pour éviter l'oxydation, la boite de concrète est gardée au frais; elle peut être stockée plusieurs années. On l'utilisera à la demande quand on voudra procèder à l'extraction de l'absolue (la partie soluble dans l'alcool).

    http://mamidoo.free.fr/html/gifs/nature/fleurs/rose/boutonan5.gifOdeurs
    Dans les champs par vent de face, le parfum des centifolia est fin et léger, pimpant je dirais, presque savonnette à la rose.

    Lorsqu'on ouvre les cuves, une odeur de caramel de rose s'échappe et colle au nez.

    Quant à la concrète, elle a des notes herbacées (proches de celles que l'on obtient avec les macérations huileuses). Je n'ai pas eu l'opportunité de sniffer de l'absolue de centifolia.

    Au musée de la parfumerie de Grasse autour des roses



     

























    http://mamidoo.free.fr/html/gifs/nature/fleurs/rose/boutonan5.gifLiens

    Sur l'évolution des matières premières à parfum à Grasse ici

    Sur l'arrivée des centifolia à Grasse en 1895 (?)  ici




    « Patchouli et vétiver in vivo…Or liquide très hydratant pour le corps »

  • Commentaires

    1
    Lundi 1er Juin 2009 à 00:36
    Au musée de Grasse, on a senti HE rose de Damas, absolue de centifolia et rose synthétique: trois senteurs différentes: tu reconnnais quand tu as déjà senti.
    j'avais eu la chance de faire un atelier senteurs avec Biolandes et on avait comparé différentes notes de rose. C'est une question d'entrainement.

    Comme il fait plus chaud au Maroc qu'à Grasse, les parfums sont différents, même avec les mêmes variétés de centifolia. Théoriquement c'est plus lourd et capiteux avec la chaleur. Il y a aussi le savoir faire qui entre en ligne de compte.

    Les roses indiennes ont aussi d'autres notes. Personnellement, ma préférée-pour l'instant- c'est la rose bulgare, légèrement fruitée. 

    Quant aux heures de ramassage, c'est surtout le jasmin qui doit être cueilli tot le matin. La rose est plus costaud, j'ai visité les champs vers midi, les saisonniers étaient en plein boulot. La cueillette se fait sur un mois à peine, et débute vers 9heures le matin; en mai, ce n'est pas encore le plein cagnard… et les centiflia se récoltent en mai (d'où leur nom d'ailleurs… ).
    2
    Lundi 1er Juin 2009 à 17:35
    je suis ignare comme Evelyne sur le sujet mais tu sais si bien nous raconter avec moultes détails et photos à l'appui.
    3
    Lundi 1er Juin 2009 à 20:43
    Je trouve que la rose est (avec le jasmin dans une moindre proportion) la fleur la plus secrète du monde. Il y en a tellement de variétés différentes, et encore plus de senteurs différentes. C'est une fleur qui me fait un peu peur à l'utilisation, je l'avoue, tant ses effluves sont riches de subtilités. Il va falloir que je me penche plus sérieusement sur son cas, à cette Reine des reine. Merci beaucoup de lever un coin du voile sur l'aura qui l'entoure.
    4
    Lundi 1er Juin 2009 à 21:12
    Un reportage depuis le pays de la Reine des fleurs ne pouvait que m'enchanter, Venezia. Merci de nous faire partager tes découvertes. J'avoue que j'ai très souvent été déçue avec les HE de roses, mais un jour une absolue m'a totalement réconciliée avec ce merveilleux parfum et depuis je suis totalement accro.
    Alors, continue tes pérégrinations parfumées et rapporte nous encore plein de beaux reportages. 
    5
    Lundi 1er Juin 2009 à 22:50
    commme les He de rose sont très chères, beacoup sont frelatées. eelles gagnent souvent aussi à être diluées pour mieux se déployer;
    6
    Lundi 1er Juin 2009 à 22:52
    Je trouve que la rose est plus complexe à utiliser que le jasmin, comme tu le soulignes, elles est pleine de subtilités.
    7
    Lundi 1er Juin 2009 à 22:53
    toutes ces HE qui sont presque abstraites  quand on les découvre en flacon ont des racines bien terriennes…
    8
    Lundi 1er Juin 2009 à 22:54
    j'ai moi aussi beacoup appris en observant sur place
    9
    Lundi 1er Juin 2009 à 22:55
    Ce sont les pétales qui sont peu riches en HE, la damascena a un rendement plus élevé. (mais quand même très modeste). d'où l'interet des attars indiens, )au temps où on trouvait facilement de l'HE de sanrtal- car il s'agissait d'une co-distillation-.
    10
    Lundi 1er Juin 2009 à 22:58
    Je ne suis même pas sûre qu'on ait autrefois effeuillé les centifolia… (meme si je le fais)

    bain de pétales de rose: s'ils ne sont pas traités bien sûr…
    11
    Lundi 1er Juin 2009 à 23:00
    Je ne suis allée que dans une exploitation et j'ai raconté ce que j'ai vu… Ce qui n'exlut pas qu'on ne fabrique pas de l'He de centifolia dans la région.

    on cultive encore quelques fleurs pour la parfumerie, dont le jasmin.
    12
    Mardi 2 Juin 2009 à 07:17
    Il m'a fallu du temps pour apprécier le parfum de l'HE de Rose. Très complexe, fort et en plongeant le nez dedans, presque trop d'odeurs!! Je ne sais pas si on arrive un jour à sans lasser, tellement on le découvre à chaque ouverture du flacon. Pour l'instant, je n'ose le mélanger à aucune HE, je trouve qu'il se suffit à lui-même... Mon défi (irrésolu pour l'instant), arriver à faire des savons à la rose... 
    13
    .
    Mercredi 3 Juin 2009 à 21:09
    la rose n'est pas boudeuse dans son coin. une synergie très facile: encens-lavande-rose, mais toute seule, c'est très beau aussi;

    pourles savons à la rose, moi aussi, je planche sur le sujet… un vrai défi…
    14
    Mercredi 3 Juin 2009 à 21:10
    Nous allons donc louer une très graande piscine pour que tout le monde puisse barboter dans les pétales
    15
    Mercredi 3 Juin 2009 à 21:11
    Physalis, je ne comprends pas trop pour la cire; En fait, il y a de la cire naturelle (de rose) dans les concretes,
    16
    Mercredi 3 Juin 2009 à 21:11
    merci Audrey
    17
    Mercredi 3 Juin 2009 à 21:28
    Ton article m'interpelle, j'ai travaillé dans les laboratoires de parfumerie de Grasse il y a quelques années (Robertet, Expression parfumée et Charabot), que de souvenir merveilleux et de senteurs puissantes (trop d'ailleur ) ! J'ai réalisé beaucoup de parfums et de compos...
    Merci pour les photos, pour les souvenirs
    Tu es de Grasse peut-être ?
    (Je t'ai répondu pour le lien contact chez moi !)
    a bientôt !
    18
    Vendredi 5 Juin 2009 à 08:35
    Kallie, tu as beaucoup de chance d'avoir travaillé- et donc appris - chez les parfumeurs de Grasse.

    Sinon, je vis à Paris depuis longtemps… et j'ai grandi dans le Sud Ouest
    19
    Vendredi 5 Juin 2009 à 10:32
    Oui c'était une expérience formidable, j'aimerai beaucoup rechercher un emploi similaire en Bretagne ! Je me revois bien dans mon petit laboratoire de senteur ( ah ! que de souvenirs, j'y retournerai un jour...)
    20
    Samedi 6 Juin 2009 à 10:15
    tu as eu beaucoup de chance: les parfums restent en mémoire et défient le temps
    21
    Mercredi 14 Octobre 2009 à 08:43
    Quelle chance de pouvoir cultiver des roses, Marion, je vous souhaite d'excellentes plantations.
    22
    Vendredi 16 Avril 2010 à 20:47

    Coucou Gondul,

     

    tu peux trouver de l'absolue de rose centifolia chez Néroliane (la maison mère fournit les parfumeurs), elle est très chère, mais c'est une absolue ruineuse.Tu en as de la moins chère chez Baldwins en GB.

     

    Pour les teintures, il faut les faire; Mais si tu essaies avec des roses très parfumées,mreme sèches, tu auras un beau résultat.

    je t econseilel par exemple les roses de Provins bio d'Altair (il faut l ôter le petit cœur jaune, un vrai boulot, pour supprimer  tout risque d'amertume) et tu dilues dans alcool+ hyrolat de rose; tu seras contente, meme si ce n'est pas de la centifolia

    PS tu as de la tienture de rosa damascena en GB chez Avicenna (mais ils vendent en grandes quantités)

    voir ici (dans price list, puis tinctures)

     

    23
    patte
    Vendredi 15 Août 2014 à 22:37
    des champs de roses..bouleversant comme image ! Reste que comme d'habitude, des questions me viennent :

    Tu saurais faire la distinction entre l'absolu de centifolia et celui de Damas ? Et entre l'absolu de centifolia et...une copie de synthèse ? (ils en font aussi à Grasse je crois)

    Cette production issue de Grasse, doit être très concurencée par celle du Maroc. Les qualités olfactives sont elles les mêmes ? (si tu connais )

    Il n'y a pas d'heures précises pour la récolte ? On lit généralement qu'il faut cueillir les roses à l'aube -le parfum tuant le parfum-
    Merci Princesse des Roses, du Pathchouli, du santal, du vétiver..bref, princesse de ton petit monde enchanté !
    • Nom / Pseudo :

      E-mail (facultatif) :

      Site Web (facultatif) :

      Commentaire :


    24
    Irene
    Vendredi 15 Août 2014 à 22:37
    Merci pour cet article, très intéressant ... et les photos.
    Je suis également surprise qu'on n'effeuille pas les roses. Donc, ils ne font plus d'huile essentielle de rose à Grasse.
    C'est vrai que faire la différence entre l'odeur des différentes roses est une question d'entraînement ; je ne connais pas les roses indiennes. Mais, par exemple, je sais bien faire la différence entre les différents encens.
    Est-ce que l'on cultive d'autres fleurs pour la parfumerie ?
    Quand j'étais allée à Eze, j'avais senti les parfums de chez Fragonard mas il y avait très peu d'arômes naturels.
    Merci de te donner du travail pour nous faire bénéficier de tes reportages.
     
    25
    mlk
    Vendredi 15 Août 2014 à 22:37
    "Et puis quoi encore" alors que toi tu  effeuilles avec soin et tendresse et peut être même leur parle, le marché lui rentabilse, comme une suite plus moderne du travail des petites mains indiennes, réalisme(je sais pas si je suis claire là) Venezia Reporter au pays de ses amours
    et qui s'en vient partager
    Cela donne à nouveau l'envie de se replonger dans le livre de Suskind le "parfum"
    Moi je rêve de faire un plongeon dans un monceau de pétales odorantes 
    26
    michele
    Vendredi 15 Août 2014 à 22:37
    Merci pour cette superbe évocation de la reine des fleurs!
    J'ai ressorti mes flacons de roses. L'absolue de damascena de Florame me semble plus fleurie que la centifolia du Maroc plus "résineuse".

    Est-ce parce qu'ils ne sont pas remontants que la production d'HE n'est pas rentable ou est-ce parce que les pétales sont peu riches en HE? Autrement dit, un rosa damascena aurait-il des pétales plus riches en essence?
    Je n'ai jamais senti d'HE de centifolia d'ailleurs...

    4000 kg de roses, quel luxe!
    27
    Evelyne
    Vendredi 15 Août 2014 à 22:37
    Je suis complètement ignare sur ce sujet mais il m'a passionné, merci Princesse!!!
    28
    Catherine
    Vendredi 15 Août 2014 à 22:37
    Comme c'est beau tout ça !!! Merci Venezia.
    MLK, je plonge avec toi....
    29
    physalis
    Vendredi 15 Août 2014 à 22:37
    Merci pour ce reportage, très intéressant. Je suis contente de voir que maintenant on n'utilise plus la graisse animal comme support, tu sais quelle cire il utilise ?
    30
    Audrey
    Vendredi 15 Août 2014 à 22:37
    Merci pour ce beau reportage !!
    31
    lagares marion
    Vendredi 15 Août 2014 à 22:37
    merci pour ce jolie clin d' oeil je suis moi meme fleuriste et horticultrice, passionnée par cette rose j' envisage de me lancer dans cette production en tout cas les photos sont belles,... moi je vit a Antibes tout prés de grasse. marion
    32
    Gondül
    Vendredi 15 Août 2014 à 22:37

    Bonjour Princesse,

    Sais-tu où je peux en acheter, de l'absolue de rose centifolia?  Ou de la teinture/extrait alcoolique de rose centifolia?  J'en cherche désespérement, et je ne trouve pas... enfin si, à un seul endroit : Macosmetoperso, mais comme j'ai entendu beaucoup de critiques sur ce site, j'hésite...

    Bises,

    Gondül

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :